Le paradoxe de la bienfaisance au naturel

Pourquoi ne pas manger de viande ?


Vous rappelez-vous ? Le 22 juin 2018 le président du CFBCT (lobby français de la boucherie-charcuterie), Jean-François Guihard, demanda un soutien gouvernemental pour protéger les boucheries de France face à des végans extrémistes. Certains végans extrémistes prônent le vandalisme contre les boucheries comme si c'étaient ces dernières qui tuaient les animaux, ou du moins favorisaient la consommation d’animaux. Mais ces vandalismes, sont-ils vraiment utiles ? Manifestement non ; on pourrait même les dire contreproductifs en vue de servir la cause végane et de s’attaquer au vrai coupable. En effet, la vraie cible serait plutôt Interbev, lobby de la viande et du bétail en France, qui met 54,8% de son budget annuel dans la communication depuis à la chute de consommation de viande en France de 12% dans ces dix dernières années (selon un article de France Info datant du 14/02/2019). De même le paradoxe de l’environnementaliste semble justifier cet antispécisme que prônent les végés, mais sont-ils légitimes pour autant ?

Vache de race charolaise avec son veau

L’exemple de Pythagore

Le régime de Pythagore est une des premières émergences occidentales enregistrées de végétarisme. Pythagore, celui-là même ayant popularisé le mot « philosophie » auprès du tyran Léon, selon les Tusculanes de Cicéron (V, 8-9). Ovide, poète latin, parle lui aussi de Pythagore (ou du moins nous avons de bonnes raisons de le suspecter, car jamais il n’est nommément mentionné) dans ses Métamorphoses (XV, 60-142). On y apprend que suite à un buffet, notre ancien végé s'est mis à émettre plusieurs verbes contre cette habitude humaine, de se nourrir de chair animale. Mais selon lui on pouvait continuer de se nourrir de mets que les animaux produisent, comme miel, le lait, etc. Nous sommes donc davantage face à un discours pro végétarisme que végétaliste, et encore moins véganiste.

« Mortels, évitez de souiller vos corps avec des mets impies. Les moissons existent, il y a aussi les fruits qui sous leur poids font ployer les branches, et les vignes couvertes de raisins juteux ; il existe des herbes savoureuses, il y en a que la flamme peut rendre agréables et tendres. On ne vous interdit de consommer ni le lait ni le miel qui fleure bon la fleur de thym. Généreuse, la terre produit des richesses et des nourritures suaves ; elle offre des mets qui ne nécessitent ni massacre ni sang. »

Le problème de la conscience

Le problème qui se sent dans ce texte et comme d’ailleurs dans tout discours sur le végétarisme, le végétalisme et le véganisme, c'est le peu de considération envers les plantes : il est bien plus simple de s'émouvoir de l'agonie d'un animal hurlant de douleur alors qu’il est éviscéré que d'une plante ne semblant rien nous communiquer. Et là se pose le problème : c’est l’ignorance générale des 700 sortes de capteur des plantes qui réagissent au monde extérieur, que ce soit par communication, par défense gazeuse (c’est le cas de l’acacia), par rétractation des feuilles, ou encore par un ralentissement de la croissance (le chercheur Antoine Larrieu l’a observé en 2015). Mais encore les plantes semblent avoir une mémoire ! Il a été observé que lorsqu’on les stimule à répétition sans causer de dommage, les plantes ne réagissent simplement plus.

Mais, adaptation et mémoire sont-ils preuve de conscience ? Prenons l'exemple d’Atlas, robot de Boston Dynamics. Si on le fait tomber il s'adapte et se remet debout, ou il peut même se tenir en place ! De même il peut exercer différentes figures très complexes, comme roulade, danse, parcours d'obstacle, voire salto arrière ! Nul doute qu'il faut une mémoire et une adaptation pour faire ce genre de prouesses, et pourtant... Qui pourrait voir ces machines comme vivantes ? Personne ou presque. Mais pourquoi pensons-nous cela ? Parce qu’elles sont créées par les humains, et de même elles ne sont régies que par des programmes précis, les choses du monde qui ne sont pas dans leur programme ne les intéressent simplement pas. La curiosité serait-elle dès lors à considérer comme véritable trait de conscience ?

Quand on ne sait pas…

Ne sachant pas si les plantes ont une véritable conscience et donc éprouvent de la douleur, Aymeric Caron propose un point de vue pragmatique : il est plus simple de faire un principe d'échange équivalent avec les plantes qu’avec les animaux. C’est toujours moins cruel selon lui de manger des plantes que de manger des animaux, car si nous voulons manger des animaux herbivores (ce qui concerne les principales viandes que nous consommons), il faut les nourrir avec des plantes, et ce dans des élevages, c’est-à-dire dans des proportions plus massives que dans l'état naturel, où ces animaux seraient moins nombreux. Donc il faudrait privilégier le régime aux plantes car au final les animaux consommeraient plus de végétaux que nous.

Mais là encore cela pose problème, car les animaux mangent des végétaux hors des élevages, et même si on libérait les animaux des élevages, ils ne survivraient pas à leur environnement pour cause de leur dépendance à l'homme. Alors ne faudrait-t-il pas simplement tout tuer ? Y compris les plantes, car leur surabondance liée à l’absence de régulation les condamnerait de toute façon. En tuant tout, plus aucun problème éthique, car ce ne sera que la dernière douleur infligée en ce monde, plus aucun trouble ne sera fait car plus rien n’existerait pour en ressentir.

Mais voyons cela ainsi : la mort fait partie intégrante de l'existence, nous vivons en détruisant, en consommant, nous vivons pour mourir, et nous risquons à tout instant de mourir. Il faudrait dès lors en prendre conscience, et donner ou faire perdurer la vie en contrepartie, lorsque nous la prenons. Au lieu de jeter des matières organiques, faisons-en du compost pour que des êtres s'en nourrissent ; au lieu de jeter un noyau de pêche, pensons plutôt à le planter ; si nous ne voulons plus de notre pain, nourrissons les animaux qui en voudront.

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