Trump vs Badiou
« Cette élection de Trump, dont la perspective se faisait d’heure en heure plus menaçante, transformait les profondeurs de la nuit de l’élection en quelque chose d’horrible. » Dans son dernier essai publié en 2020 aux éditions PUF, Alain Badiou revient sur l’élection du Président des Etats-Unis, Donald Trump, et ne ménage pas sa critique sur la politique mondiale actuelle.
Qui est Alain Badiou ?
Né à Rabat au Maroc en 1937, Alain Badiou suit la trace de ses parents, Raymond Badiou et Margueritte Rouxbédat, tous deux normaliens, en entrant en 1956 à l’Ecole Normale Supérieure. Militant SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière) , puis PSU (Parti Socialiste Unifié), il s’intéresse de plus en plus au marxisme-léninisme, jusqu’à faire partie de la direction de l’union des communistes de France marxistes-léninistes. Ses idéologies politiques très marquées, dans ses apparitions médiatiques et dans ses ouvrages, lui valent de nombreuses critiques. Philosophe postmoderne, ses domaines de prédilection sont les mathématiques, l’ontologie, la politique, l’esthétique, le marxisme et la psychanalyse. Son œuvre très abondante comprend des essais politiques (comme De quoi Sarkozy est-il le nom ? 2007), mathématiques (Eloge des mathématiques, 2015) et philosophiques (L’Être et l’événement, 1988, et bien évidemment, Trump, 2017).
Trump, un symptôme ?
Dans cet essai découpé́ en trois parties : deux jours après l’élection de Trump ; deux semaines ; puis 3 ans. Alain Badiou explique un paradoxe qui prédomine, selon lui, à notre époque : les idées les plus archaïques sont définies, par nombre de politiques, comme nouvelles et il développe cette idée en l’appelant le fascisme-démocratique. Le progressisme laisse place à la réaction. Le communisme ou le socialisme laisse place au capitalisme. L’égalité laisse place à l'inégalité. Les hommes politiques érudits laissent place à des milliardaires corrompus. Un ensemble de personnes, comme Trump, Bolsonaro ou Berlusconi, ont un langage extrêmement agressif et violent, souvent empreint de vulgarité supposée populaire. Pour Badiou, cette façon de s’exprimer est une tradition fascisante, car cet usage de la violence verbale est traditionnel dans ce type d’orientation politique.Badiou développe dans son ouvrage une autre idée selon laquelle Trump, ainsi que d’autres dirigeants, sont les symboles d’une disparition de la politique, de la dualité gauche-droite, et de l’émergence, voire même de la gouvernance mondiale du capitalisme. L’ennemi indivisible de ces dirigeants est le communisme, invisible car inexistant, et leur but véritable, selon Badiou, est de maintenir l’élan actuel, vers un capitalisme total et mondial, dont eux-mêmes sont les chefs.
Trump est, pour Badiou, le « symptôme détestable de la situation globale, non seulement aux États-Unis, mais dans le monde ». Cet essai propose plusieurs questionnements : le clivage gauche-droite est-il réellement détruit ? Ne faut-il pas restaurer l’idée que la politique est un champ contradictoire d’orientations clairement opposées ? Trump n’est-il pas le visage d’une nouvelle politique qui se crée ? Un autre système ne pourrait-il pas concurrencer, voir battre le capitalisme ? À vous d’y répondre...