JEU VIDEO ET (SUR)CONSOMMATION
microtransaction, suis-je assez cool pour jouer avec toi ?
Fortnite, Minecraft, GTA, ces noms vous disent peut-être quelque chose. Que vous soyez hermétique au jeu vidéo ou fervent pratiquant de la manette, il est impossible de nier l’impact social et culturel que ce milieu a provoqué au cours des 30 dernières années. Transformant l’industrie du loisir, remplaçant les jeux de société ou les jouets, le jeu vidéo est aujourd’hui un média d’influence planétaire. Cela s’accompagne comme tous les supports, de défauts inhérents à notre société comme l’addiction, ou bien de défauts propres à ce média et notamment celui auquel nous allons nous intéresser aujourd’hui : les microtransactions. Par ce terme, on désigne les petits paiements au sein même des jeux qui se font pour payer moults contenus tels que les skins ou les passes de combat. Ce sont notamment ces deux derniers éléments que je voudrais mettre en lumière.
Skin de base du jeu vidéo Fortnite
C’est quoi un skin ?
Si vous n’avez jamais touché à un jeu vidéo vous vous demandez certainement à quoi se réfère la notion de « skin ». En anglais cela signifie « peau » mais dans le jeu vidéo on lui préfère la traduction « apparence ». Dans des jeux vidéo comme Fortnite, vous pouvez avoir des skins, donc des apparences de personnage, qui ne vous confèrent AUCUN avantage stratégique sur vos adversaires. Il ne s’agit que de pure cosmétique virtuelle.
Mais pourquoi j’en aurais envie ?
On pourrait alors se demander : quel intérêt si on n’en tire aucun avantage ? C’est là que peut apparaître le côté pervers de cette stratégie. Si je n’achète pas de skin, mon personnage sera celui de base créé par les développeurs, il ressemblera à n’importe quel autre joueur. Je n’aurais aucun moyen de m’identifier ou d’aimer jouer avec ce personnage. Alors que ce superbe personnage avec un costume de robot-poulet dans la boutique du jeu, peu de gens y ont accès. Il est rare et cher, l’acquérir serait pour moi un signe de réussite mais aussi un moyen de me démarquer, d’être un joueur à part entière, qui n’est pas noyé dans la masse de personnages basiques. Je sais que je n’en ai pas besoin, mais cela ne pourra qu’améliorer mon expérience.
Il y a aussi une sorte de « pression » de la part des joueurs. Ce système est globalement accepté et quelqu’un qui n’y contribue pas est vu comme un joueur n’étant pas assez « investi » dans le jeu. On pourrait presque parler de discrimination, de moquerie. Un problème encore plus présent chez les jeunes et qui peut être source de conflits et de déprime. Mon ami va-t-il me mettre de côté si je n’ai pas une apparence aussi cool que la sienne sur mon personnage ? On peut trouver ça ridicule, mais il s’agit d’un réel problème dans l’industrie qui ne dépend pas des jeux en eux-mêmes, mais du marketing qui s’est opéré ces dernières années. Une stratégie qui rappelle celle des lobbies du tabac ou des casinos.
Et ce skin, comment je l’obtiens ?
C’est là que le bât blesse. Pour avoir cette apparence de robot-poulet, il va me falloir acheter la monnaie du jeu. Pour cela il va me falloir de l’argent. Oui vous avez bien lu, il va me falloir acheter une monnaie virtuelle (une sorte de conversion numérique) pour pouvoir me procurer ce contenu inutile donc forcément indispensable. Comme le prix varie, nous pouvons aller de 9,99€ par exemple à 100€ parfois (voire plus selon la rareté du skin). Et comme il n’est proposé que dans la boutique, je ne peux l’obtenir autrement qu’en l’achetant. De quoi frustrer les plus jeunes qui n’hésiteront plus à emprunter les cartes bancaires de leurs parents. Peut-on réellement leur en vouloir dans la mesure où ce système pousse clairement à l’achat ? Heureusement, les grandes entreprises ont réussi à pallier ce problème qui nous fait dépenser des milles et des cents, en nous proposant de dépenser autrement !
Le passe de combat
Il peut prendre différents noms : passe de saison, passe de combat, mais à chaque fois il est question d’un même principe : au lieu de dépenser votre argent dans un achat de pièces virtuelles pour débloquer un seul skin, vous allez acheter un nombre de pièces qui va vous permettre de débloquer une échelle de progression. Cela vous donnera des récompenses au fur et à mesure que vous avancez dans le jeu et notamment des pièces du jeu (pour acheter encore plus de skins) ainsi que des skins (pour les collectionner !). Le problème est donc réglé, l’on peut acquérir des skins de manière équitable pas vrai ?!
La réponse est non car ce système repose sur le fait que lorsque vous jouez dans une version normale (sans investir d’argent) du jeu, vous avez également un passe mais dont les récompenses sont bien moindres en comparaison du superbe passe++. Tout comme avec les skins, la frustration est le moteur qui va faire payer le joueur. Il est même devenu banal qu’un jeu dise « vous avez eu telle récompense MAIS si vous aviez eu ce passe voici ce que vous auriez eu ». Ce n’est même plus caché, le jeu lui-même veut pousser à l’achat. On tombe alors dans une boucle perpétuelle où le jeu devient une publicité pour lui-même, où il alimente toujours plus le joueur de contenu inutile qu’il ne pourra obtenir qu’à la sueur de son front et en rentrant les 16 chiffres de sa carte bancaire.
Une lueur d’espoir
Bien sûr, ce billet n’est pas à charge contre le jeu vidéo. Il s’agit d’un support formidable où vous pouvez faire des rencontres, vivre des aventures extraordinaires, découvrir des univers, rêver. Ce qu’il faut critiquer, c’est l’industrie commerciale perfide qui se cache derrière lui, cherchant toujours de nouveaux moyens d’abuser de la confiance des joueurs. Vous restez bien sûr libre de dépenser votre argent comme bon vous semble, mais il apparaît important de se poser la question de si c’est vraiment la tournure que l’on veut faire prendre au jeu vidéo alors qu’on se bat depuis des années pour redorer son image. Ce ne sont pas non plus les skins qu’il faut bannir. Mais les abus que cela engendre sont conséquents, il nous faut peut-être trouver des moyens alternatifs d’acquérir ces plaisirs. D’autant plus que parfois, ces fonctionnalités s’immiscent dans des jeux qui sont déjà payants, ce qui allonge encore la facture…